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Au sortir de la « Question humaine » de Nicolas Klotz, un peu dérangé, ébranlé par le film. Mathieu Amalric est très bon dans son rôle de DRH vaguement psychologue, pas mal déjanté, d’une filiale d’une grande entreprise de pétrochimie. Le propos réducteur du film pourrait être un parallèle entre la Shoah et la nature exterminatrice de l'économie libérale. « Si le système qui a permis Auschwitz est un système de planification industrielle, fondé sur la technocratie et la déshumanisation, alors nous sommes en devoir de penser ce que signifie un tel système », résume le réalisateur, Nicolas Klotz (« Le Monde » du 12 septembre). Il ne s'agit pas de dresser un parallèle entre le libéralisme économique, le monde de l'entreprise et le système nazi, poursuit le réalisateur, mais de souligner le dérapage possible.

Le système libéral/capitaliste mérite-t-il de soutenir la comparaison avec le système mis en œuvre avec la solution finale ?  Bien sûr, c’est un autre système de déshumanisation qui est à l’œuvre avec le développement du système libéral/capitalistefinancier, mais fallait-il aller rechercher les ressorts de cette déshumanisation dans la shoah ?

Peut-être le propos est il outrancier pour provoquer une réaction du spectateur. Jusqu’où peut on accepter l’inacceptable ? Comment entendre et débusquer les changements sémantiques qui désincarnent l’infâme pour nous le faire accepter ? L’équilibre du film tient à son esthétique et dans les parallèles dessinées par les mots. Des mots techniques, neutres, désincarnés pour dire le sort que font quelques hommes à bien d’autres. Des pièces chargées et déchargées d’un camion dans d’horribles souvenirs, des unités de masse salariale à faire maigrir dans une version contemporaine. Dans les deux cas, la même servilité, où de dociles exécutants agiront pour la bonne marche des opérations, sans poser de question, ni faire preuve de rébellion.

La « Question humaine » n’établit aucune démarcation, ne trace aucune frontière où l’homme déshumanise son langage pour accepter ce qui transgresse l’éthique. Sous couvert de hiérarchie, d’ordres ou de consignes, l’homme aux pires moments du 20ème siècle, comme à l’aube du 21ème, est capable de se déshumaniser, voilà ce que nous dit Klotz.

Et le Ministre Brice Hortefeux nous le prouve en toute indécence. Il a convoqué les 19 préfets n’ayant pas rempli leur quota d’expulsions de sans-papiers : “réunion de travail et de mobilisation où le ministre devait échanger avec les préfets dont les résultats doivent être améliorés“, précise l’entourage hortefesque. 11000 expulsions seulement au 1er semestre, alors que Sarkozy en a promis 25 000 ! Inacceptable, ce retard sur les objectif de l’année. Mais le pauvre Brice a des excuses : les Roumains et les Bulgares sont désormais des ressortissants de l’Union européenne (non expulsables), or ils représentaient 30% des expulsés en 2006 (en majorité Roms). Aussi, il a ordonné à la police de “redoubler d’efforts pour les interpellations d’étrangers en situation irrégulière“. Ainsi, il essaye de répondre à l’omniprésident qui cité par le Point réclamait en août : “Je veux du chiffre ! C’est un engagement de campagne. Les Français m’attendent là-dessus“.

En dehors des électeurs du Front National, les français (électeurs ou non de NS le 6 mai) veulent-ils vraiment que la police face du zèle pour tenir les objectifs omniprésidentiels en matière d’expulsions ? “Je veux du chiffre“, c’est une ignoble vision purement comptable, qui ne dénoterait pas dans la « Question humaine » des policiers dans ce sale job – quelques scènes y font référence - si elle n’était si mal interprétée par Sarkozy.

Question humaine, je suis contre la traque aux étrangers, la police a déjà suffisamment à faire avec les délinquants (y.c. en col blanc) qui s’attaquent aux biens et aux personnes, pour ne pas à avoir à se mobiliser massivement contre ceux en France sans carte de séjour en vigueur. A qui fera-t-on croire que nous avions besoin d’une 4ème loi sur l’immigration – les trois premières ayant été inspirées par l’omniprésident alors ministre - votée en urgence à l’Assemblée ? Pour en plus y ajouter un article sur les tests ADN, pour mieux gérer la procédure de regroupement familial. Et cet autre qui réduit de un mois à 15 jours le délai de recours après un rejet de demande d'asile.

A cette heure, j’ai honte d’être français, gouverné par un omniprésident qui joue l’ouverture jusqu’à l’extrême droite. C’est à se demander, si nous vivions à l’heure de la Shoah, si nous ne refoulerions pas des êtres voués à périr pour respecter les quotas et circulaires ministérielles. Il me semble d’autant plus aberrant de poursuivre cette chasse au métèque sans papier, qu’à l’échelle européenne, il nous faut réfléchir et mettre en œuvre une immigration régulée pour palier au vieillissement de la population. Il nous faut  également réfléchir à de nouveaux rapports à la mondialisation, dont le vocabulaire n’est pas la matraque ni le charter.

Tag(s) : #heloim.sinclair
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