Après une séquence diplomatique très mollassonne en début d’année sur la Tunisie et l’Egypte, Nicolas Sarkozy a repris la main pour une séquence de leadership international avec la Libye de Kadhafi. Avec son nouveau ministre des Affaires Etrangères Alain Jupé, Nicolas Sarkozy a fait du bel ouvrage diplomatique pour monter une coalition militaire internationale avec mandat onusien et quitus de la Ligue Arabe. Sabre au clair, l’omniprésident - qui n’a pas réussi à vendre à Kadhafi des avions de combat Rafale et une centrale nucléaire en début de mandat - fait donner l’aviation française pour bombarder des sites libyens.
Alors, même si la reconnaissance du Conseil National de Résistance libyen a viré au sketch la semaine dernière – Sarkozy humiliant Jupé qui négociait avec les pays de l’Union européenne à Bruxelles, en se servant du médiatico-philosophe BHL comme ministre officieux temporaires des AE à Paris – pour une fois, je reconnais de Nicolas Sarkozy a finalement bien agi.
Nous ne pouvions abandonner à leur sort les insurgés libyens, face à la contre offensive des forces loyales à Kadhafi qui les auraient massacrés.
Reste que cette guerre a un goût amer, car le dictateur Kadhafi réprime et bombarde son peuple insurgé avec des armes françaises et italiennes. Nos marchands de canons l’ont armé, sans scrupules avec la bénédiction des gouvernements occidentaux. Celui qui est redevenu infâme à Tripoli, avait été habillé par la diplomatie occidentale d’un costume de repenti, pour mieux commercer avec lui.
L’amertume est d’autant plus grande que les insurgés ont bon dos. La soudaine poussée humaniste pour sauver le peuple de Benghazi, si elle est légitime, n’est peut être qu’un rideau de fumée pour cacher la défense d’intérêts beaucoup plus stratégiques : le pétrole et le gaz libyen. Laisser Kadhafi réprimer dans le sang la révolte intérieure aurait été immoral, mais surtout cela interdisait de futures relations commerciales. Ayant parié et soutenu le camp de l’insurrection, l’occident ne pouvait plus de marche arrière.
Ce qui conduit à une guerre drapée d’un voile humaniste, menée depuis les airs et la mer pour pilonner des sites militaires stratégiques, pour « dégager » Kadhafi. « L’espoir » que cette guerre ne s’enlise pas, est qu’un coup militaire interne renverse Kadhafi. Les forces « loyales » pourraient ne pas le rester longtemps, à force de tapis de bombes. Devant l’évidence de l’inégal rapport de forces, des militaires et miliciens libyens pourraient vouloir ne pas insulter l’avenir…
Soyons attentifs à l’après Kadhafi, car cette guerre de libération, une fois gagnée, ne sera pas sans aiguiser les appétits pour le sous sol libyen. Cette guerre est la seconde guerre du pétrole du 21ème siècle. La première en Irak fut menée par les américains, la seconde en Libye est à l’initiative des français. Comment va-t-on partagé la manne, combien pour le peuple libyen et les compagnies multinationales ? Arrivera-t-on à maintenir les frontières d’un pays constitué de tribus ? Est-on préparé à soutenir un effort de « state-building », une fois que Kadhafi sera renversé ? Les américains aussi avaient été accueillis en libérateurs à Bagdad… Osera-t-on s’attaquer à des dictateurs amis dans d’autres pays riches de réserves fossiles et minérales ? Notre siècle sera-t-il celui des conflits de l’énergie ?