Je vais finir par croire que notre administration est complètement sourde, et que nos hauts fonctionnaires sont irrémédiablement contre le développement de l’énergie solaire en France. Ainsi, une nouvelle fois, le fisc français tente de faire trépasser le secteur solaire. Dans un rescrit fiscal daté de 8 mai, les génies de Bercy ont décidé de relever le taux de TVA (de 5,5 à 19,6 %) prévu pour la rénovation de l’habitat, quand un particulier vertueux qui investi dans une toiture solaire revend plus de la moitié de sa production d’électricité solaire. Une interprétation en contradiction totale avec la volonté affichée du Président sur la fiscalité écologique. On notera au passage le zèle des fonctionnaires antisolaires, qui travaillent un jour férié pour faire passer leur forfait !!!
Comment comprendre que la Direction Générale des Impôts ne tienne pas compte du fait qu’intégré, le panneau solaire « assure une fonction technique ou architecturale essentielle à l’acte de construction » ? Selon les termes de l’arrêté tarifaire écrit par leurs collègues du Ministère de l’industrie, une toiture solaire devrait être éligible de plein droit au taux réduit de TVA, en raison de cette fonction architecturale et technique essentielle qui prévaut dans la rénovation, sans tenir compte que les électrons verts soient vendus ou autoconsommés.
Cet acharnement contre l’électricité solaire en France ne serait pas grave, si cela ne faisait qu’inquiéter quelques artisans et installateurs qui voient les commandent s’annuler et leurs emplois menacés. Quelques centaines de chômeurs idéalistes, qui étaient les entrepreneurs de la révolution énergétique, ce n’est pas si tragique ;-( Espérons que cela émeuve les députés fraîchement élus, autant que les Ministres alertés…
D’aucuns pourraient penser que c’est une perte pour la ville de Freibourg et pour les pionniers illuminés, qui ont bâti la filière solaire allemande depuis les années 70. Il n’en est rien, car c’est histoire d’une utopie concrète qui se réalise, où la réalité dépasse le rêve. L’histoire d’une réussite qui serait un conte à raconter aux enfants (et aux politiques, qui sont de grands enfants). De l’engagement d’une population pour l’environnement et les énergies alternatives dans les années 70, émergea la volonté de proposer des solutions concrètes et viables. La poignée d’ingénieurs écolo a tellement bien incarné l’opiniâtreté des visionnaires, qu’elle s’est transformée en milliers de chercheurs, d’entrepreneurs et d’industriels. Comptant plus de 100 000 emplois directs dans la filière solaire allemande (250 000 pour toutes les énergies renouvelables), c’est une telle dynamique industrielle et économique qu’Intersolar quittera Freibourg en 2008, pour demeurer le rendez-vous mondial de l’énergie solaire. Le marché domestique allemand pèse aujourd’hui 53 % du marché mondial du photovoltaïque, et l’Allemagne est championne des exportations sur tous les marchés émergeants. La ville et la région pourraient se sentir lésées, mais ce salon est devenu tellement grand, qu’il étouffe faute d’infrastructures adaptées (hôtels pleins à 80 km à la ronde, des bouchons de plus d’une heure pour accéder au parc expo, en cruelle sous capacité d’accueil par ailleurs).
Ainsi, la réalité dépasse le rêve des utopistes des années 70, qui croyaient que l’énergie du futur viendrait du soleil. Ça fait du bien d’aller croquer une part de ce rêve, même si le nouveau TGV Est me ramène vers un pays où les utopistes du concret ont du mal à rêver…
Pour illustrer, petit tour du monde où il fait bon rêver d’énergie solaire :
• Allemagne, tarif d’achat de 37.96 – 54.21 cents d’€, 10000 MW programmés pour 2020, 750 MW installés en 2006
• Espagne, tarif d’achat de 23 – 44 cents d’€, 400 MW programmés avant 2010, 60 MW installés en 2006
• Italie, tarif d’achat de 36 – 49 cents d’€, 3000 MW programmés pour 2020, 12 MW installés en 2006
• En Californie, un programme d’1 million de toits solaires signés le 21 août 2006 par la Gouverneur Schwarzenegger, avec 3000 MW programmés d’ici 2017
• Dans le New Jersey, objectif d’installer 90 MW d’ici 2008
La France reste un pays où ce rêve est virtuel … Si vous croisez un haut fonctionnaire français des finances ou de l’industrie, passez lui ce message. Pour le photovoltaïque, les choses vont vite, loin et grand au niveau mondial. Alors que la technostructure française avance à un pas de sénateur, dans une posture de pleutre face aux enjeux industriels, d’autres pays prennent une nette avance. Ne pas opérer dès maintenant une rupture dans notre ambition nationale pour le photovoltaïque, c’est s’exclure de cette course industrielle et technologique au niveau mondial. C’est renoncer à un secteur stratégique de la mondialisation pour une technologie massive d’exportation, et aux emplois associés (R&D, industrie, installation).